17 janvier 2006

Le petit-goûter à l’école : 8 raisons de l’éviter…

L’instauration du « petit-goûter» est né dans la tête de nos énarques ; dans les années 50, une distribution gratuite de lait s’est organisée dans les écoles. Dans les années 70, l’idée est relancée pour « offrir des débouchés aux excédents de la production laitière »…
Sur des considérations purement symboliques, l’image du lait est attachée à la petite enfance (la fonction symbolique des aliments prévaut inconsciemment sur les autres fonctions). Les enfants aiment le côté ludique de l’aspiration à la paille. Le rituel est peu salissant : peu de taches, pas de miettes…

Mais on a le plus souvent remplacé ce lait par d’autres aliments consommés dans un «moment privilégié» que l’on baptise, selon la sociologie du quartier , «collation», «goûter», «petit-goûter» ou «dix-heures», rarement «casse-croûte» et jamais «grignotage».
On dira ici «petit-goûter».
Quelle que soit la dénomination, il s’agit d’une prise alimentaire supplémentaire.
Quels sont les éléments d’appréciation d’un tel rituel ?


1. Les enfants trop gros peuvent difficilement, en maternelle, satisfaire au respect de la règle n° 1 de la maîtrise du comportement alimentaire, règle incontournable pour réduire un excès de poids : je ne mange pas en dehors des repas.
2. Le nombre et l’horaire des repas quotidiens dépendent de nombreux facteurs liés à des habitudes sociales. La physiologie du comportement alimentaire enseigne que l’organisme « apprend » inconsciemment à ingérer à chaque repas les calories dont il a besoin jusqu’au repas suivant, à condition que le rythme des repas d’un jour à l’autre soit régulier.
Curieusement, l’augmentation récente de la prévalence des excès de poids dans l’enfance est contemporaine de la généralisation de cette prise alimentaire supplémentaire qui perturbe la régularité des apports énergétiques.

3. Les prises alimentaires supplémentaires organisées vers 10 heures à l’école, et parfois au lever de sieste, constituent des grignotages institutionnalisés.

4. Alors que la restauration scolaire se met en quatre pour prévenir les intoxications collectives et les accidents liés aux allergies alimentaires individuelles, la distribution en classe d’aliments de provenance et de composition non contrôlées n’est pas toujours judicieuse.

5. Parmi les différentes fonctions de l’alimentation, le petit-goûter privilégie la fonction de plaisir. La majorité des enfants y trouvent du plaisir. Cette source de plaisir ne serait-elle pas la réaction liée à la culpabilité des parents conscients des contraintes qu’ils imposent à leurs enfants ?

6. Pour ne pas justifier le petit-goûter par le seul plaisir, on s’efforce souvent de le légitimer, a posteriori, par des considérations nutritionnelles ou pédagogiques.

On évoque ainsi la crainte d’une fringale en fin de matinée, notamment chez les enfants qui n’auraient pas pris de petit-déjeuner.
Parler de « tendance à l’hypoglycémie » est absurde, puisque la glycémie se mesure et que l’hypoglycémie se définit par rapport à une valeur seuil, et cette expression provoque une inquiétude inutile puisqu’une hypoglycémie, en raison de sa gravité potentielle, justifierait une hospitalisation immédiate. Les signes cliniques peuvent aussi témoigner, chez un enfant de deux à six ans, d’une insuffisance de sommeil, souvent associée à l’absence de petit-déjeuner.

7. Si l’on s’inquiétait réellement de l’absence de petit-déjeuner chez un écolier, la compensation logique serait de servir un petit-déjeuner à cet écolier dès son arrivée à l’école, et non pas de proposer ultérieurement un petit-goûter à tous les enfants, y compris à ceux qui ont bien déjeuné. (Deux études ont montré que la proportion d'enfants en âge scolaire ne prenant pas de petit déjeuner à la maison est inférieure à 10 % et que la collation telle que proposée actuellement « ne permet pas de prendre en compte la diversité des situations particulières des enfants ». )
8. Dans une société de suralimentation, le souci légitime de corriger l’insuffisance éventuelle des apports en certains nutriments dans les milieux défavorisés réclame d’autres solutions que la distribution indifférenciée d’aliments à tous les écoliers. C’est du rôle des familles qu’il s’agit lorsque l’on parle rythmes alimentaires de l'enfant.

En janvier 2004, l'AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments ), rendait un avis à la direction générale de la santé suite à une demande d'évaluation relative à la collation matinale à l'école. L'enquête montre que la « prise d'une collation matinale n'a pas d'incidence sur une éventuelle réduction des apports caloriques du petit déjeuner et des repas suivants (déjeuner et goûter). En revanche, elle entraîne une augmentation significative de l'apport calorique journalier d'environ 4 % ».

En conclusion, la collation matinale à l'école n'est « ni systématique ni obligatoire » et « aucun argument nutritionnel ne [ la] justifie ».(cf : circulaire du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche)
D’après une communication du Dr Vincent Boggio, CHU de Dijon

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